Poesies enfant

A une petite chanteuse des rues



Enfant au hasard vêtu,
          D'où viens-tu
     Avec ta chanson bizarre?
     D'où viennent à l'unisson
         Ta chanson,
     Ta chanson et ta guitare?

     Tu livres au doigt vermeil
          Du soleil,
     Qui les dore et les caresse,
   Tes longs cheveux emmêlés,
          Crespelés
     Comme ceux d'une Déesse.

     D'où vient ce front soucieux,
          Ces grands yeux,
   Ces chairs dont la transparence
     Fait voir parmi les couleurs
          De cent fleurs
     Des tons dignes de Lawrence?

     Viens-tu du pays serein
        Où le Rhin
     Baise les coteaux de vignes,
     Dont le feuillage mouvant
          Tremble au vent,
     Et serpente en longues lignes?

   Viens-tu du pays riant
          D'Orient,
     De Sorrente aux blondes grèves,
     Ou de Venise au ciel bleu
          Tout en feu,
   Ou du blond pays des rêves?

     Avec son hardi carmin,
          Quelle main
     A pourpré pour les féeries
     Tes lèvres, ces fruits brûlants,
        Plus sanglants
     Que des grenades fleuries?

     Est-ce bien toi, cet enfant
          Triomphant,
     Dont le père, ouvrant son aile,
   Au fond d'un nid de roseau
          Fut oiseau,
     Dont la mère fut oiselle?

     Belle fille aux cheveux d'or,
          Est-ce encor
   Toi, qui, rieuse et fantasque,
     Faisais voltiger en l'air
          Un éclair
     Avec ton tambour de basque?

     Toi, la Bohême à l'oeil noir
        Qui, le soir,
     D'une dorure fanée
     Serrais ton ample chignon, --
          Et Mignon
     Est-elle ta soeur aînée?

   Ou plutôt, courant au bois,
          Et sans voix
     Pour un brin d'herbe qui bouge,
     Interdite à chaque pas,
          N'es-tu pas
   Le petit Chaperon-Rouge,

     Qui fit même des jaloux
          Chez les loups,
     Et qui, portant sa galette
     Chez la bonne mère grand,
        En entrant
     Faisait choir la bobinette?

     Mais non, aux divins attraits
          De tes traits
     Et de ta voix, je devine
   L'enfant comblé des faveurs
          Des rêveurs,
     La folâtre Colombine.

     Mais où sont tes beaux souliers,
          Tes colliers
   Qui font rêver les fillettes?
     Où sont le bel or changeant
          Et l'argent
     De tes jupes à paillettes?

     Et le souple casaquin
        D'Arlequin?
     Et Cassandre et sa fortune?
     Où Pierrot, l'homme subtil,
          Cache-t-il
     Sa face de clair de lune?





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