[NÉÈRE, MYRRHA.]
[Néère.]
Le soir est tiède et pur, le vent pleure. O Myrrha,
Notre jeune Iollas, qui souvent t'admira,
Va venir près de nous, sous l'arbre qui soupire,
Dénouer nos cheveux et caresser la lyre.
[Myrrha.]
Néère, c'est pour toi qu'il éveille, en songeant,
La douce lyre, auprès de ce ruisseau d'argent.
Comme toi, dans mes yeux, ô Néère! que n'ai-je
Ce trait qui brûle un coeur endormi sous la neige!
[Néère.]
Sa main silencieuse aime tes cheveux bruns,
D'où ses doigts pour longtemps s'en vont pleins de parfums.
[Myrrha.]
Les tiens, jouet charmant de la brise qui vole,
Sont lisses et dorés comme un flot du Pactole.
[Néère.]
Tes pieds charment la lèvre, et montrent au hasard
Leurs ongles transparents arrondis avec art.
[Myrrha.]
Ta gorge est comme un marbre, et la lumière arrose
Sur ses fermes contours deux frais boutons de rose.
[Néère.]
Que n'es-tu beau comme elle, ô bel enfant? Hélas!
J'irais en suppliante adorer Iollas!
[Myrrha.]
Iollas! pour un jour sois semblable à Néère,
Et je n'aurai pour toi nulle froideur amère.
[Néère.]
La bouche des Zéphyrs aux souffles embaumés
S'enivre en s'égarant sous tes bras parfumés.
[Myrrha.]
Quelle autre ivresse attend les deux lèvres choisies
Qui, goûtant de ton cou les blanches ambroisies
Et buvant à longs traits les flammes que j'y sens,
Y feront circuler des frissons rougissants!
[Néère.]
Vois comme l'onde est calme, et comme la Naïade,
Dont la molle fraîcheur invite et persuade,
Semble tourner vers nous l'azur de ses yeux bleus.
[Myrrha.]
Dans ses bras palpitants descendons toutes deux.
Confions notre tête à son bruit qui fascine,
Et notre épaule blonde à sa douce poitrine.
[Néère.]
Goûtons auparavant ce doux vin. Pour nos jeux
La grappe y mit la force et l'emplit de ses feux.
[Myrrha.]
Oui, mais la coupe d'or est froide à qui la touche.
Quel or vaut, ô ma soeur, les roses de ta bouche!
[Néère.]
Tenons-nous par la main. Ah! ce flot est glacé!
Entoure bien mon cou de ton bras enlacé.
[Myrrha.]
Comme l'eau, soeur du ciel, qui flottait indécise,
Me presse avec amour! Je suis toute surprise.
[Néère.]
Chacune bien serrée avec deux bras tremblants,
O Myrrha! nous voguons comme deux cygnes blancs,
Et sur nos fronts jumeaux aux poses familières
Se mêlent toutes deux nos guirlandes de lierres.
[Myrrha.]
Le flot rasséréné, qui court sans se lasser,
M'enivre, et je ne sais, me sentant caresser
Voluptueusement dans cette paix profonde,
Si c'est ta chair polie, ou le zéphyr, ou l'onde!
[Néère.]
Iollas va venir de ses doigts enjoués
Tresser en folâtrant nos cheveux dénoués.