En ce temps de sa mort cruelle,
Seigneur, j'attends votre faveur
Pour en avoir bonne nouvelle.
J'en suis loin, dont j'ai douleur telle
Que nul ne la peut estimer.
Ô que la lettre sera belle
Qui le pourra sain affermer !
Le désir du bien que j'attends
Me donne de travail matière ;
Une heure me dure cent ans,
Et me semble que ma litière
Ne bouge, ou retourne en arrière ;
Tant j'ai de m'avancer désir.
Ô qu'elle est longue la carrière
Où à la fin gît mon plaisir !
Je regarde de tous côtés
Pour voir s'il arrive personne,
Priant sans cesser, n'en doutez,
Dieu que santé à mon Roi donne.
Quand nul ne vois, l'oeil abandonne
A pleurer ; puis, sur le papier,
Un peu de ma douleur j'ordonne :
Voilà mon douloureux métier.
Ô qu'il sera le bienvenu
Celui qui, frappant à ma porte,
Dira : le roi est revenu
En sa santé très bonne et forte !
Alors sa soeur plus mal que morte
Courra baiser le messager
Qui telles nouvelles apporte,
Que son frère est hors de danger.
Avancez-vous, homme et chevaux,
Assurez-moi, je vous supplie,
Que notre Roi pour ses grands maux
A reçu santé accomplie.
Lors serai de joie remplie.
Las ! Seigneur Dieu éveillez-vous,
Et votre oeil sa douceur déplie,
Sauvant votre Christ et nous tous !
Sauvez, Seigneur, Royaume et Roi,
Et ceux qui vivent en sa vie !
Voyez son espoir et sa foi,
Qui à la sauver vous convie.
Son coeur, son désir, son envie,
A toujours offert à vos yeux ;
Rendez notre joie assouvie
Le nous donnant sain et joyeux.
Vous le voulez et le pouvez :
Ainsi mon Dieu à vous m'adresse ;
Car le moyen vous seul savez
De m'ôter hors de la détresse
De peur de pis, qui tant me presse,
Que je ne sais là où j'en suis ;
Changez en joie ma tristesse,
Las ! hâtez-vous car plus n'en puis !