Poesies enfant

Promenade sur le lac Meï-peï




Tsin-tsan et son frère se plaisent à contempler les grands spectacles de la nature ;

Ils m’ont emmené pour faire avec eux une promenade sur le lac Meï-peï.
Le ciel était voilé, la terre était sombre ; un changement subit s’était opéré dans la lumière du jour ;
Le vent s’élevait, et les flots bouillonnants, qui scintillaient au loin, semblaient rouler des pierres précieuses.

Notre barque se détacha du rivage, et se mit à flotter sur le cristal mouvant.
La scène était imposante ; je me sentis inspiré, mais inspiré de pensées tristes qui s’accumulaient douloureusement.
Comment n’être pas ému quand le danger se montre si proche !
Ce vent perfide, ces vagues écumantes, devions-nous donc leur échapper !

Voilà maintenant que le patron fait déployer la voile de soie ;
Voilà que les bateliers se réjouissent, en voyant le dernier nuage s’évanouir ;
Les oiseaux aquatiques s’envolent tumultueusement, dès que la chanson des rameurs éclate ;
La corde et le roseau3 s’émeuvent ; leurs sons harmonieux semblent venir du ciel.

Le lotus étale ses fleurs pures, la châtaigne d’eau ses feuilles luisantes comme si la pluie les eût lavées.
Je cherche à sonder le lac, mais le fil que je lâche plonge toujours et ne s’arrête pas.
Mes yeux s’abaissent sur cet abîme sans fond ; d’un côté je le vois clair, vide, immense ;
De l’autre il m’apparaît sombre et terrible ; le Tchong-nân  s’y enfonce, plus loin que mon regard ne peut pénétrer.

Du côté du Midi, la montagne s’élève à pic au-dessus de la masse limpide,
Et son image réfléchie plonge, en tremblant, dans les eaux qu’elle assombrit.
Cependant le soleil se couche ; le bateau glisse, avec un léger bruit, devant la pagode aux pavillons qui percent les nues ;
Et bientôt se montre la lune, qui se mire à son tour dans le lac.

C’est alors que le dragon noir prend sa course, en vomissant des perles ;
C’est alors que le dieu du fleuve bat du tambour, et rassemble les monstres marins.
Les divinités du fleuve sortent de leur retraite pour danser sur la rive ; leur chant parvient jusqu’à nous ;
Et l’on aperçoit même un instant, dans le lointain, les houppes brillantes de leurs harmonieux instruments.

Au moment d’atteindre le port, nous sommes encore attristés par le retour inattendu de l’orage,
Et je tombe dans une rêverie profonde, en songeant combien est impénétrable pour nous la volonté des esprits.
La jeunesse et l’âge mur, combien cela dure-t-il ? et contre la vieillesse, que pouvons-nous ?
Si je jette un regard en arrière, que d’alternatives passagères de joie et de chagrin !





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