Quoi ! dix jours pour peindre une montagne ! Quoi ! cinq jours pour faire un rocher ! Eh ! oui ! Le véritable artiste n’aime point qu’on le presse et qu’on le tourmente. Qu’importe le temps à Ouang-tsaï, pourvu que jamais un ouvrage ne sorte imparfait de ses mains ! Oh ! l’admirable vue du mont Kouèn-lun et du mont Fang-hou ! Comme elle ferait bien dans une grande salle, au milieu d’un mur tout uni !
Voici la ville de Pa-ling et le lac Thoung-ting qui déverse ses eaux dans la mer du Japon, Leur cours argenté s’éloigne à perte de vue, jusqu’à ce qu’il se fonde avec la ligne empourprée de l’horizon. Des nuages traversent l’espace, semblables à des dragons volants. Un homme est là, dans une barque ; c’est un pêcheur pressé d’atteindre cette baie qu’on aperçoit sur le rivage ; Les torrents de la montagne me le disent, et ces flots écumants et ce vent furieux. Le merveilleux travail ! Jamais on ne porta si loin la puissance de l’éloignement. Dix pouces de papier ont suffi pour enfermer mille lieues de pays ! Qui me donne de bons ciseaux, que j’en coupe vite un morceau ? Je me contenterai du royaume de Ou, avec le territoire de Soung et la moitié du grand fleuve.
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